Le désordre gouvernemental produit un retard colossal sur la procédure budgétaire. Alors que le projet de loi de finances devrait être connu depuis au moins 15 jours, nous en sommes réduits à quelques rumeurs changeantes. Voici un point sur le sujet.

Nommé le 9 septembre 2025 à la tête d'un gouvernement sans majorité absolue, Sébastien Lecornu, cinquième Premier ministre du quinquennat, avance sur une ligne de crête. Son projet de loi de finances pour 2026 n'est pas un simple document budgétaire ; c'est un instrument de survie politique, élaboré sous la double contrainte d'une croissance économique atone à 1 % et d'un Parlement où chaque vote est une bataille. En renonçant par avance à l'article 49.3, le Premier ministre s'est volontairement placé en situation de négociation permanente, faisant du Parti Socialiste un arbitre incontournable de sa propre stabilité.
Le gouvernement a ainsi préparé le terrain pour la véritable concession : le sacrifice d'un des totems du macronisme.Le Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU), ou "flat tax", est cette pièce maîtresse.
La doctrine fiscale qui en découle est une recherche d'habileté tactique. Officiellement, pas de hausse généralisée des grands impôts comme la TVA ou la CSG. Mais derrière cette façade rassurante se cache une stratégie de redistribution de la charge fiscale. "Certains impôts augmenteront, mais d'autres diminueront", a prévenu le Premier ministre, résumant en une phrase l'équation politique qu'il doit résoudre. Il s'agit de donner des gages de "justice fiscale" à la gauche pour obtenir son soutien tacite, tout en offrant des contreparties aux classes moyennes et à la droite pour maintenir un semblant de coalition.
Les contreparties : alléger la pression sur le travail
Pour rendre acceptable l'effort qui sera demandé ailleurs, le gouvernement a mis sur la table un ensemble de mesures populaires, destinées à augmenter le "reste à vivre" des salariés. Ces propositions, distillées comme autant de ballons d'essai, forment le volet social du compromis.

La première piste est une baisse ciblée de l'impôt sur le revenu pour les "petits foyers", visant les ménages dont les revenus se situent juste au-dessus du SMIC, souvent pris dans un angle mort fiscal. La seconde est un renforcement de la défiscalisation des heures supplémentaires, une mesure qui a l'avantage de plaire à la droite et de valoriser le travail. Enfin, le retour de la "Prime Macron" dans sa version la plus avantageuse, avec une exonération totale de charges et d'impôts, permettrait de soutenir le pouvoir d'achat sans alourdir le coût du travail pour les entreprises.
Le financement de ces gestes repose sur un plan d'économies de 7 milliards d'euros, dont une part importante pèserait sur le secteur de la santé. L'augmentation des franchises médicales et la suppression controversée d'aides fiscales aux malades chroniques sont des pistes qui, par leur dureté même, servent peut-être de levier de négociation, destinées à être adoucies en échange de concessions sur d'autres terrains.
Le cœur du compromis : la fiscalité du capital
C'est sur la fiscalité du capital que se joue la partie la plus serrée. Pour manœuvrer, le gouvernement a d'abord posé des lignes rouges infranchissables. Il a fermement rejeté le retour de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) et, plus encore, la "taxe Zucman", cet impôt plancher de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros, réclamé par le Parti Socialiste.