Donald Trump vient de prononcer un important discours à la Knesset, où il dévoile sa vision de l'ordre international, fondé sur le cynisme du droit du plus fort et de la cupidité sans limite des chefs d'Etat.

De toutes les cités où l’homme a tenté de fixer le divin dans la pierre et d’inscrire sa propre histoire dans le sillage d’une éternité espérée, Jérusalem demeure la plus rétive à la paix des hommes. C’est pourtant sur cette scène millénaire, depuis la tribune de la Knesset où chaque mot se pèse au trébuchet des prophéties et des rancœurs, qu’un empereur venu du Nouveau Monde vient non pas négocier, mais décréter la paix. Le discours prononcé ce 13 octobre par Donald Trump n'est pas un simple exercice diplomatique ; c'est une performance du pouvoir, un acte de fondation où la grammaire de la force brute et de la transaction commerciale se substitue au langage usé des chancelleries. C'est, en somme, la mise à nu des arcanes d’un ordre mondial remodelé à l’image d’un seul homme, où la paix elle-même devient le produit dérivé d’une démonstration de puissance.
L’événement s’ouvre, comme il se doit dans ces drames antiques, par l’hommage du roi local au suzerain bienfaiteur. Benjamin Netanyahou, lui-même figure shakespearienne aux prises avec sa propre survie politique, salue en son allié « le plus grand ami que l’État d’Israël ait jamais eu », sanctifiant l’opération « Marteau de Minuit » contre l’Iran comme un coup décisif. Mais là où le Premier ministre israélien parle encore le langage de la guerre passée, Trump, lui, est déjà venu pour en célébrer les funérailles et annoncer, tel un oracle, l’avènement d’un « âge d’or ».
Le cœur du propos présidentiel est cette proclamation : la guerre est terminée. Non pas suspendue par un fragile armistice, mais achevée, vaincue. « Après tant d’années de guerre incessante et de danger permanent », énonce-t-il, «aujourd’hui, le ciel est calme, les armes sont silencieuses, les sirènes se sont tues et le soleil se lève sur une terre sainte enfin en paix». Cette paix, la huitième qu’il prétend avoir « réglée » en autant de mois, n’est pas le fruit d’un compromis laborieux. Elle est la conséquence logique d’un rapport de force absolu. Dans la cosmogonie trumpienne, la paix ne naît pas du dialogue, mais de la capitulation de l’ennemi. «En frappant l’Iran», explique-t-il, « nous avons écarté un gros nuage du ciel du Moyen-Orient et d’Israël ». Le Hezbollah est une dague « totalement brisée ». Le Hamas, malgré un communiqué qui revendique une victoire, n'est dans le grand récit présidentiel qu'un acteur contraint d'accepter les termes du vainqueur.

Cette vision d’une pax americana s’incarne dans un style qui mêle sans distinction la menace, l’auto-congratulation et une fascination presque hollywoodienne pour la puissance destructrice. Trump ne se contente pas de mentionner la puissance de l'armée américaine ; il la célèbre avec ferveur, s’émerveillant des «sept de ces magnifiques bombardiers B2». C’est le spectacle de la puissance pour elle-même, la mise en scène d’une force si colossale qu’elle rend toute résistance absurde. Saluant le courage des Forces de défense israéliennes, il lance : « C’est un casting parfait. Mettons-les dans un film ». La guerre et la paix deviennent des narrations dont il est le maître d’œuvre.