Le discours d’Eric Zemmour à la Convention de la droite organisée autour de Marion Maréchal n’en finit pas de susciter des polémiques. Ce texte tout en clivage et en appel à la peur et à l’émotion ethnique provoque un tollé dans les médias, renchéri par l’ouverture officielle d’une enquête préliminaire pour incitation à la haine. Pour le Rassemblement National, cette affaire vire au cauchemar et enterre probablement toute velléité de Marion Maréchal de se présenter aux élections de 2022.
Suite aux spéculations des médias après la @ConvDeLaDroite, une clarification ➡️ je me suis associée à une démarche qui me paraît nécessaire: réfléchir, dialoguer, casser les digues partisanes. Pour autant, je n’ai pas l’intention d’être candidate à la présidentielle de 2022.
— Marion Maréchal (@MarionMarechal) October 1, 2019
devrait tôt ou tard contraindre l’ensemble du parti à clarifier sa position sur ce point.
La charge de Zemmour contre l’Etat de droit
De façon assez inattendue, Eric Zemmour a transformé son discours d’ouverture de la convention de la droite en un plaidoyer très « maurrassien », très ethnique, en faveur de l’identité française. Tout y est passé: les Droits de l’Homme, l’Etat de droit, la démocratie libérale, seraient devenus des menaces pour la France.
Cette nostalgie ouverte pour l’Ancien Régime s’est accompagnée d’un plaidoyer virulent où Islam et islamisme semblaient se confondre dans une peur très première, pour ne pas dire primitive. Si Marion Maréchal entendait, lors de cette convention, ouvrir les portes, l’effet escompté ne s’est donc pas vraiment produit…
Ce faisant, le texte de Zemmour a non seulement semé le trouble à la rédaction du Figaro, qui demande désormais que le quotidien prenne ses distances avec le polémiste, mais a aussi donné lieu à l’ouverture d’une enquête judiciaire préliminaire.
Marion Maréchal renonce à toute prétention pour 2022
Pour longtemps, la convention de la droite risque de sonner comme un puissant repoussoir. La jeune Le Pen a ici enterré son image de rassembleuse. Mais quelle idée son entourage poursuivait-il en ouvrant les travaux de la convention par un discours aussi maladroit ?Ce qui devait lui donner de l’air à sa gauche vient en réalité de la couper de toute possibilité d’ouverture. Plus personne n’osera, pour de longs mois, répondre à ses appels. Elle semble l’avoir bien compris, puisqu’elle a produit un Tweet (ci-dessus) qui prend acte, de fait, de l’échec de cette convention, tout en semblant prendre ses distances avec celle-ci.
Rétrospectivement, Marine Le Pen semble avoir été bien inspirée en boudant manifestement l’événement.
Une situation embarrassante pour le Rassemblement National
Pour le Rassemblement National, la radicalisation manifeste d’Eric Zemmour va devenir une source d’embarras durable. Aux élections européennes, le parti avait proposé une place au polémiste sur ses listes. Le parti peut se féliciter aujourd’hui que Zemmour ait refusé l’offre.
Il n’empêche que les relations entre le parti et le journaliste sont intenses. Il y a une semaine, Zemmour est parti sur les terres de Louis Aliot, à Perpignan, pour préparer les municipales. Ce genre d’images risque de se faire bien rare dans les semaines à venir, et peut même devenir gênant pour ceux qui figurent sur la photo. Dans le cas de Louis Aliot, vice-président désormais officiellement séparé de la présidente, ce genre de faute pourrait coûter cher à l’avenir.
Dans la pratique, on peine à trouver la moindre manifestation de soutien à Zemmour au sein du Rassemblement National. Le parti est gêné aux entournures, et si la polémique devait prospérer, elle provoquerait probablement un important séisme au sein du mouvement.
Zemmour a-t-il dit tout haut ce que le RN pense tout bas?
La question est en effet assez simple aujourd’hui. Zemmour est-il un avant-gardiste qui a un coup d’avance sur l’opinion et qui proclame tout haut ce que les électeurs du Rassemblement National pensent tout bas? Ou se résume-t-il à un épiphénomène des salons parisiens nostalgiques des années 30 et coupés des réalités électorales?
La convention a en partie répondu à ces questions. Robert Ménard a reproché à son auditoire d’être un public d’intellectuels spectateurs et commentateurs. Il les a appelés à agir. La phrase fera date. Car les propos de tribune tenus par Zemmour sont en effet éloignés des attentes réelles du pays, y compris parmi les électeurs du Rassemblement National.
Que ceux-ci ne soient pas islamophiles est une certitude à peu près acquise. Mais se retrouvent-ils dans un appel à une guerre des religions? Partagent-ils le rejet des Droits de l’Homme, de 1789, de l’Etat de droit, la nostalgie pour l’Ancien Régime ou l’aspiration à un régime autoritaire? On n’en est pas complètement sûr…
Le Rassemblement National à l’aube d’une crise?
Politiquement, il est de notoriété publique que l’entourage de Marine Le Pen est agité par un rejet profond du libéralisme économique. Ce trait idéologique explique pourquoi Marine Le Pen « drague » régulièrement les électeurs de la France Insoumise.
Mais tout concourt à montrer que la base du Rassemblement National est aujourd’hui divisée et friable. A côté du noyau dur « légitimiste » (au sens de la droite politique historique) qui entoure Marine Le Pen, de nouvelles couches électorales sont apparues, qui risquent de prendre désormais la poudre d’escampette si le parti ne clarifie pas son positionnement vis-à-vis d’Eric Zemmour. Sans quoi le doute risquerait de s’installer sur la sincérité de la stratégie de dédiabolisation menée en son temps sous l’influence de Florian Philippot.
La balle est dans le camp de Marine Le Pen désormais. Si sa dédiabolisation est toujours d’actualité, elle devra trouver les mots justes pour dire ce qu’elle pense d’Eric Zemmour. Le Rassemblement National s’est inventé tout seul son sparadrap du capitaine Haddock.