Suppression de l’ENA : le combat risqué de Macron contre le gouvernement profond

Emmanuel Macron a annoncé hier la suppression de l’ENA, ou plutôt son remplacement par une nouvelle école de la haute fonction publique, dont rien ne garantit qu »elle règlera les problèmes de l’actuelle institution. Surtout, à un an de la fin de son mandat, il se lance dans le combat compliqué, dont les contours restent à préciser, contre l’accès direct aux grands corps, clé de voûte de la « méritocratie républicaine ». La réponse du gouvernement profond pourrait être très rude contre ce mauvais coup porté à un moment où des alternatives à une candidature Macron sont testées auprès de l’opinion.

La suppression de l’ENA est devenue, depuis une dizaine d’années, l’arlésienne de la Vè République et même l’arlésienne du quinquennat Macron. Le Président devait en effet s’attaquer à ce sujet dès le mois de décembre 2018 (mais la crise des Gilets Jaunes a fait rentrer ce dossier dans un long labyrinthe qu’il ne sera pas inutile, le jour J, d’éclairer et d’expliquer). Finalement, c’est à un an des élections présidentielles que le Président commet cette déclaration ambiguë selon laquelle l’école serait « en même temps » supprimée et remplacée par une autre école.
La vraie réforme : la fin de l’accès direct aux grands corps
Mais derrière la posture de communication (largement décriée) selon laquelle le Président supprime l’école, la vraie réforme est celle de la fin de l’accès direct aux grands corps. Si l’on en croit les propos présidentiels, tout élève de la future ENA, rebaptisée ISP, sigle furieusement proche de l’IEP ou Sciences-Po Paris, devra commencer par une expérience de 5 ans sur le terrain avant d’intégrer une administration centrale.
Si ce projet est confirmé, il s’agira d’une vraie révolution qui devrait contrarier l’appétit bien connu de l’Inspection Générale des Finances et du Conseil d’Etat pour les jeunes sortis de l’école et malléables à volonté.
Cette réforme heurte les intérêts du gouvernement profond
Les Français soupçonnent assez peu la dose de courage qu’il a fallu au Président Macron pour imposer une disposition qui devrait susciter la rage des grands corps, très puissants dans l’appareil d’Etat. C’est en effet une tradition bien ancrée dans ces administrations d’élite que de recruter « à la sortie de l’ENA ».
La réforme Macron devrait obliger ces univers ouatés à une forme de prolétarisation tout à fait urticante. Elle pourrait coûter cher au candidat Macron pour 2022, au point que la volonté du président de faire entrer cette réforme en vigueur immédiatement apparaît comme une provocation.
Faut-il en déduire que le président sait qu’il a d’ores et déjà perdu la bataille de sa candidature l’an prochain et qu’il veut dès lors punir l’appareil d’Etat de lui préférer un autre jockey ?
Le diable se nichera dans les détails
Pour toutes ces raisons, il est encore bien trop tôt pour juger de la situation. Il faudra connaître les détails de la réforme pour en mesurer l’ampleur. Et dans ce genre, le diable se niche toujours dans les détails.
On se demandera en particulier par quel mécanisme Macron a prévu d’assurer les recrutements au Conseil d’Etat et à l’Inspection des Finances pendant les 5 ans de vaches maigres qu’il leur promet.

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