Nous avons examiné ce week-end la question d'un "miracle Meloni". Si ce miracle tient largement aux flots d'agrent déversés par l'UE, il n'en reste pas moins qu'il tient aussi à un solide tissu industriel que la France ferait bien d'examiner de près. Voici quelques pistes pour dynamiser les exportations françaises.
Au cœur de l'Europe, deux géants économiques, voisins et partenaires historiques, présentent des bilans commerciaux diamétralement opposés. D'un côté, l'Italie, qui affiche un excédent commercial structurel et résilient, se positionnant comme une des premières puissances exportatrices mondiales. De l'autre, la France, en proie à un déficit chronique depuis le début des années 2000, malgré des atouts indéniables. Cette divergence n'est pas le fruit du hasard ou de la conjoncture, mais le symptôme de deux modèles productifs qui ont suivi des trajectoires radicalement différentes.
L'analyse du succès italien révèle une formule fondée sur un tissu industriel dense et spécialisé, une culture de l'exportation profondément ancrée et une compétitivité qui se joue bien au-delà des simples coûts de production. Pour la France, comprendre cette "recette" transalpine n'est pas une invitation à une simple imitation, mais une opportunité de diagnostiquer ses propres faiblesses structurelles et de tracer une feuille de route ambitieuse pour reconquérir sa souveraineté commerciale.
Anatomie de la puissance exportatrice italienne
Le succès commercial de l'Italie, qui lui a permis de dégager un excédent de 34,4 milliards d'euros en 2023 (et même 86 milliards hors énergie en 2022), repose sur trois piliers fondamentaux qui s'entremêlent et se renforcent mutuellement.
1. Un tissu industriel dense, spécialisé et organisé en écosystèmes
La première force de l'Italie est la robustesse de sa base productive. Le pays compte près de 400 000 entreprises industrielles, contre environ 250 000 en France, et l'industrie pèse une part plus importante de son PIB (entre 16 % et 22 % contre 10 % à 16 % en France). Mais au-delà de la quantité, c'est la structure de ce tissu qui est décisive.
Il est composé d'une myriade de Petites et Moyennes Entreprises (PME), mais surtout d'un réseau beaucoup plus fourni d'Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) que la France (environ 8 000 contre 5 800). Ces ETI, souvent familiales, agiles et ultra-spécialisées, sont les véritables fers de lance de l'export, réalisant à elles seules les trois quarts des exportations manufacturières du pays.

La clé de leur efficacité réside dans leur organisation en "districts industriels". L'Italie en dénombre environ 141, chacun formant un écosystème géographique hyper-spécialisé : le textile à Biella, la lunetterie en Vénétie, les machines-outils en Émilie-Romagne. Ces districts, qui représentent 66 % de l'emploi manufacturier, créent un environnement extraordinairement fertile pour la compétitivité. Ils favorisent la collaboration, la circulation rapide des savoir-faire, l'innovation et la constitution de chaînes d'approvisionnement très courtes, renforçant la réactivité. Ce modèle a instillé une culture de l'exportation au cœur même des PME : plus de 62 % des entreprises des districts exportent, car l'international est leur horizon naturel de croissance.
2. Une offre diversifiée et positionnée sur le haut de gamme
La deuxième force de l'Italie est la nature de son offre. Le pays possède l'indice de concentration des produits exportés le plus faible au monde, ce qui signifie qu'il ne dépend d'aucun secteur en particulier. Cette diversification extrême, qui s'appuie sur une multitude de niches d'excellence, rend son économie exportatrice particulièrement résiliente aux chocs.