Propagande virale : la bataille des MEMES, par Ulrike Reisner

Les élites politiques, mais aussi les médias dominants s'engagent de moins en moins pour la diversité des opinions, mais endoctrinent le public avec leurs dogmes politiques et sociaux. La (re)production d'explications politiques simples est encouragée par les médias numériques. Les plateformes de vérification des faits agissent comme des lieux de production des opinions les plus simples. Elles agissent au service de la technostructure qui s'assure la souveraineté dans son propre espace d'information.

Dans le monde globalisé et numérisé, il existe un acteur puissant qui agit indépendamment de l’homme : L’utilisation de l’IA entraîne de nouveaux phénomènes dont les conséquences sont encore imprévisibles. La diffusion de l’information échappe à tout contrôle dans le temps, l’espace et le contenu. Les erreurs d’appréciation résultent d’opinions apparemment majoritaires, mais simulées artificiellement. Contrairement aux acteurs humains, l’IA dispose de ressources (presque) illimitées. Elle est utilisée comme outil de la technostructure afin d’assurer sa souveraineté dans son propre espace d’information.
Le principe d’autosimilarité est un mécanisme de transmission de l’information qui a fait ses preuves. Dans l’esprit de la théorie de Richard Dawkins, présentée en 1976 dans « The Selfish Gene », un « mème » (du grec « mimema » signifiant « imité ») peut être décrit comme une unité d’information culturelle diffusée par imitation. Les principes de base de l’évolution darwinienne s’appliquent : réplication (copie répétée d’informations), mutation (apparition de variations) et sélection (de certaines variantes au détriment d’autres). Si Dawkins a raison, les mèmes poursuivent leurs propres objectifs égoïstes et se répliquent chaque fois que cela est possible.
Les mèmes « viraux » contiennent des instructions pour les copier – avec plus ou moins de succès. Certaines menaces ou promesses liées à la réplication sont plus répandues, elles sont « plus virales » que d’autres. Cependant, tous les mèmes sont en concurrence pour attirer l’attention des gens. Cette attention est limitée par leur expérience et leur scepticisme. Comme pour tout réplicateur, les mèmes qui s’imposent dans le pool sont ceux qui se caractérisent par une « fécondité », une fidélité et une longévité élevées. Ce sont les mèmes qui produisent le plus grand nombre possible de copies exactes et durables d’eux-mêmes.
Des mèmes viraux contre la diversité d’opinion
La création de tels mèmes « réussis » est la tâche des plateformes de vérification des faits. Celles-ci ont poussé comme des champignons en très peu de temps. Alors que nous pouvons percevoir les résultats de la vérification des faits comme des fructifications à la surface, l’énorme mécanisme d’action en réseau de l’IA nous reste caché comme le mycélium. Les mèmes générés doivent se répliquer avec succès à long terme.
L’équipe de la dpa (Deutsche Presse Agentur) est intervenue récemment après qu’un jeune homme érythréen ait poignardé une jeune fille et blessé grièvement une autre près d’Ulm début décembre. La vérification des faits se référait à une déclaration d’un certain René Springer, député AfD du Brandebourg, selon laquelle des étrangers auraient soi-disant tué 1261 personnes en Allemagne en 2021. L’équipe de la dpa a répliqué par une longue analyse détaillée des données des statistiques criminelles allemandes, même si le résultat n’est guère probant. Le mème viral « Nous avons un problème avec les criminels étrangers » a dû être supplanté par « La plupart des délits sont commis par des Allemands ».
Ceci n’est qu’un exemple, car nous ne nous intéressons pas ici à la question de la criminalité parmi les migrants, notre attention se porte sur les « fact-checkers » eux-mêmes. Leur concept est simple mais perfide :
- Ils déclarent que les opinions autres que celles qu’ils veulent défendre sont des « ennemis du savoir » et soulignent leur composante liée à la croyance ou à l’idéologie.
- Ils se vantent de leur vision ouverte du monde qui, contrairement aux dogmes de leurs adversaires, serait accessible à un examen rationnel (d’où le terme de « fact-checker »).[1]
- Ils se servent d’un complexe de mèmes d’informations (prétendument) rationnelles pour rejeter les idées (prétendument) vides, illogiques ou simplement fausses.
- Ils affirment que les faits, les arguments et les preuves sont des informations qui font moins appel aux sentiments ou aux convictions des destinataires qu’à leur raison.
- Ils assurent aux destinataires de leurs messages qu’ils sont du bon côté.
Paradoxalement, la politique d’information de la vérification des faits est elle-même irrationnelle et favorise essentiellement une chose – une pensée stéréotypée, rapide et inconsciente. Rares sont les vérifications des faits qui stimulent une pensée laborieuse, logique, calculée et consciente. Car cela entraverait le véritable objectif : L’endoctrinement par la formation d’opinion et le discrédit des adversaires politiques.
Qui vérifie les « fact checkers » ?
Les plateformes de vérification des faits se sont fait connaître du grand public à l’été 2020 avec le rapport sur « l’infodémie Covid-19 ». L‘AFP , CORRECTIV , Pagella Politica/Facta , Full Fact et Maldita.es , avec le soutien de Google News Initiative, ont constitué la force d’intervention rapide dans la lutte contre les « affirmations les plus virales et potentiellement dangereuses que nous avons rencontrées au printemps 2020 ». Ils font tous partie de l’ « International Fact Checking Network » (IFCN) , un réseau qui appartient à son tour au Poynter Institute. Parmi ses bailleurs de fonds figurent – entre autres – le Democracy Fund, la Lumina Foundation for Education, le National Endowment for Democracy (NED), l’Omidyar Network Fund ou les Open Society Foundations (OSF).
Des fondations comme la NED ou l’Open Society sont connues pour soutenir les objectifs de politique étrangère du gouvernement américain. La Omidyar Network Foundation [2] soutient les médias et les organisations de vérification des faits (par exemple CORRECTIV). Les dons de différents sponsors à l’ICFN figurent dans la déclaration de revenus 2019-2021. Nous y rencontrons également d’autres donateurs généreux comme Google, Facebook et WhatsApp.
Ce n’est que récemment que le journal suisse Neue Zürcher Zeitung (NZZ) a examiné ce réseau à la loupe.[1] Selon ce journal, l’influence du Poynter Institute/IFNC est énorme, car c’est par leur intermédiaire que passent les « certificats » des organisations de vérification des faits dans les pays occidentaux. Remarque : pour qu’une organisation de vérification des faits puisse obtenir des contrats lucratifs de la part de Facebook ou de Google, elle a besoin d’un certificat de l’IFCN. Se référant au journal NZZ, la plateforme médiatique suisse infosperber.ch écrit que les conflits d’intérêts sont importants et que les sources de financement réelles sont rarement entièrement divulguées. Ainsi, en 2020, l’IFCN aurait reçu 700’000 dollars d’un fonds public aux Etats-Unis et se serait en même temps largement inspiré des informations des autorités pour déterminer les « fake news ».
Vous pourrez lire prochainement dans la deuxième partie de cet article quelles sont les conséquences destructrices de cette forme de formation virale de l’opinion pour le présent, l’avenir, mais aussi le passé futur.
[1] Le mot « fait » vient du latin « factum » et ne désigne rien d’autre qu’une « chose faite ».
[2] Pierre Omidyar est le fondateur d’Ebay ; il est aussi derrière le Fonds pour la démocratie ouverte
Commentaires ()