Manifestations massives en Ukraine: Zelensky accusé de favoriser la corruption

Manifestations massives en Ukraine: Zelensky accusé de favoriser la corruption

Des milliers de manifestants ont envahi les rues de Kiev et d’autres grandes villes pour dénoncer une loi qui, selon eux, affaiblit dangereusement les institutions anticorruption du pays. Face à la pression populaire et aux critiques de l’Union européenne , le président Volodymyr Zelensky traverse actuellement la crise politique la plus sérieuse depuis le début du conflit contre la Russie. La guerre et l’implication profonde des USA dans la gestion de l’État ukrainien ont notamment fait exploser les niveaux de corruption du pays.

Mardi, le parlement ukrainien a voté pour un projet de loi qui mettra deux agences de lutte contre la corruption sous l’autorité du procureur général nommé par le président. Selon les institutions concernées, cette future législation pourrait mettre fin à leur indépendance. Des milliers d’Ukrainiens se sont donc rassemblés dans les rues du centre-ville de Kiev pour protester contre la promulgation du projet de loi. Ce texte controversé, présenté comme une réforme de l’efficacité judiciaire, est perçu comme une atteinte directe à l’indépendance des principales agences de lutte contre la corruption, le NABU (Bureau national anticorruption) et le SAPO (Bureau du procureur spécialisé). Pour mémoire, la corruption d’avant-guerre de Zelensky et ses sbires a déjà été révélée par l’OCCPR grâce à son accès aux Pandora Papers, malgré (ou à cause du fait que) l’OCCPR était partiellement financée par le gouvernement américain.

Les Ukrainiens contre le projet de loi anti-corruption de Zelensky

« Mettez votre véto à la loi », c’est le cri de milliers d’Ukrainiens qui se sont rassemblés près du théâtre Ivan Franko dans le centre-ville de Kiev, à proximité du bureau du président. Ils brandissaient aussi des pancartes portant les inscriptions suivant : « j’en ai marre », « Honte », « Nous sommes le pouvoir ». Les manifestants ont adressé ces messages à Volodymyr Zelensky. Ce dernier devait signer le projet de loi adopté mardi par le parlement, la Verkhovna Rada. La législation en question vise à placer le Bureau national de lutte contre la corruption (NABU) et le Bureau spécial du procureur anti-corruption (SAPO) sous l’autorité du procureur général, désigné par le président.

Les opposants estiment que la mise en vigueur de ce projet de loi mettra fin à l’indépendance de ces deux agences. « Le chef du SAPO deviendrait une figure nominale, tandis que le NABU se transformerait en une subdivision du bureau du procureur général », a indiqué les deux institutions. Selon les critiques, l’entrée en vigueur de ce texte de loi permettrait aussi à l’entourage du président ukrainien d’user de leur influence sur les enquêtes.

Maryna, une avocate de 40 ans ayant participé à la manifestation, a déclaré au Kyuv Independent que si Volodymyr Zalensky « n’oppose pas son veto, ce sera comme cracher au visage de chaque mère, épouse et enfant qui a perdu un être cher au front. C’est bafouer la mémoire de tous ceux qui sont morts pour notre liberté, notre dignité et notre indépendance ».

Volodymyr Kulyk, un professeur à l’Ecole d’économie de Kiev (KSE) âgé de 62 ans, était aussi présent. « C’est le moins que l’on puisse faire lorsque les autorités trahissent le peuple, lorsque l’indépendance des organes anticorruption est discréditée et mise en danger », a-t-il déclaré. Ce professeur pense aussi que ces « décisions mettent en péril les perspectives de l’Ukraine en matière d’intégration à l’UE ».

Un autre manifestant, un étudiant de 20 ans nommé Myroslav Kinakh, a également indiqué qu’en tant que « citoyen conscient de l’Ukraine », il ne peut accepter ce changement qui détruira ce que leurs « prédécesseurs ont combattu en 2014 » et ce pourquoi les soldats « se battent pour le moment ».

Pression intérieure et fissures internes

La législation a non seulement provoqué l’indignation populaire, mais aussi attiré les critiques de l’Union européenne et d’organisations de défense des droits humains, qui y voient une remise en cause des avancées obtenues depuis la révolution de Maïdan. Ces prises de position pourraient affecter le soutien politique et financier occidental, alors que l’Ukraine dépend largement de ses alliés.

Face à cette crise, Zelensky a convoqué en urgence les dirigeants des principales agences anticorruption et de sécurité. Sur Telegram, il a reconnu les préoccupations exprimées par la société civile, tout en défendant la loi comme un instrument nécessaire pour accélérer les procédures judiciaires et sanctionner plus efficacement les ennemis de l’État.

Il a promis un plan d’action détaillé d’ici deux semaines, visant à combler les lacunes institutionnelles et garantir une justice équitable. Toutefois, pour les manifestants, ces annonces apparaissent comme une tentative de temporisation plutôt qu’une réponse ferme à leurs revendications.

Cette crise intérieure intervient alors que la guerre fait toujours rage. Le même jour, une rencontre entre délégations russe et ukrainienne s’est tenue à Istanbul, sans avancée notable.

Des spéculations circulent également sur un éventuel soutien tacite des États-Unis aux mouvements de protestation, dans le but de pousser Zelensky vers la sortie ou d’infléchir sa gouvernance. Bien que non confirmées, ces rumeurs rappellent combien l’Ukraine reste vulnérable aux jeux d’influence géopolitique.Comme l’a noté le blogueur Simplicius ,

« le choix de Trump pour diriger le FBI, Kash Patel, a donné un indice sur l’hypothèse selon laquelle Trump lancerait une sorte d’audit de l’Ukraine, puis se distancierait du pays après l’avoir jugé être un puits d’argent corrompu ».

Le défi est immense pour le président ukrainien : maintenir la confiance du peuple, rassurer les partenaires occidentaux et préserver l’unité du pays face à la guerre. Zelensky devra prouver que l’Ukraine peut rester fidèle à ses idéaux démocratiques même en temps de guerre. Sa survie politique et celle du projet européen de l’Ukraine en dépend.