Macron à Madagascar : coopération ou contrôle déguisé ?

À l’occasion du 5e Sommet des chefs d’État de la Commission de l’océan Indien (COI), Emmanuel Macron se rendra à Madagascar dans un contexte chargé de symboles et de tensions. Entre restitution d’ossements coloniaux, revendications territoriales et intégration régionale, la visite du président français s’annonce aussi stratégique que délicate. Derrière les discours officiels, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer une opération de communication masquant une stratégie d’influence et un maintien du contrôle français dans cette partie de l’océan Indien.

Accompagné de son épouse Brigitte Macron et d’une délégation de haut niveau, le président français entend affermir les relations entre Paris et Antananarivo, en s’appuyant sur une coopération bilatérale multiforme : économique, éducative, politique et culturelle. Cette visite, la première d’un président français à Madagascar depuis plusieurs années, symbolise une volonté de relancer les relations entre les deux nations sur des bases renouvelées.Emmanuel Macron évoquera lors de son déplacement à Madagascar la « restitution à venir » des ossements humains issus de la colonisation, dont le crâne du roi Toera, décapité en 1897. Bien que ce thème ne figure pas dans l’agenda officiel du Sommet de la COI, la question des ïles Eparses pourrait être abordé en marge de l’événement. La question des îles Éparses reste une pomme de discorde entre Paris et Antananarivo, cristallisant les tensions post-coloniales. Ces îles stratégiques, administrées par la France mais revendiquées par Madagascar, continuent d’alimenter les débats diplomatiques.
Une visite d’État hautement symbolique
La venue d’Emmanuel Macron et de Brigitte Macron les 23 et 24 avril 2025 marque une étape importante dans les relations franco-malgaches. Cette visite, qualifiée d’ »exceptionnelle » par Antananarivo, s’accompagne d’une délégation française imposante, incluant ministres, parlementaires, ambassadeurs et chefs d’entreprises du CAC 40.Au Palais d’État d’Iavoloha, les présidents Macron et Rajoelina discuteront des axes clés de la coopération bilatérale. Plusieurs accords seront signés, couvrant les domaines économique, éducatif et culturel, avec un accent mis sur les investissements créateurs d’emplois et le soutien de l’AFD et de l’UE.
Un temps fort de la visite sera l’événement « Young Leaders » au Palais d’Andafiavaratra, où les deux chefs d’État échangeront avec de jeunes talents malgaches et africains. La France souhaite ainsi accompagner Madagascar dans la formation de sa jeunesse, en soutenant des programmes d’échange, de formation professionnelle et d’entrepreneuriat.
La visite d’Emmanuel Macron à Madagascar sera marquée par une promesse à forte valeur symbolique : la restitution prochaine du crâne du roi Toera, chef résistant à la colonisation , décapité en 1897 par les troupes françaises. L’annonce de la restitution du crâne du roi Toera, est censée symboliser une volonté d’apaisement et de reconnaissance des fautes du passé.Cette restitution prévue initialement ce mois, devrait intervenir « dans les prochains mois », selon l’Élysée, une fois les conditions logistiques réunies sur place.
Si la France affirme que tout est prêt de son côté, ce retour symbolique n’est pas qu’un simple acte diplomatique : il touche à l’identité et à la dignité nationale malgaches, et pourrait ouvrir la voie à d’autres demandes de restitution dans la région.
Les îles Éparses : le contentieux qui persiste

Sur le plan géopolitique, les îles Éparses – Glorieuses, Juan de Nova, Europa, Bassas da India – demeurent une pomme de discorde. Toujours revendiquées par Madagascar, ces territoires stratégiques sont administrés par la France dans le cadre des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).
Au-delà du symbole colonial, l’enjeu économique est de taille : ces îles génèrent d’importantes zones économiques exclusives riches en ressources halieutiques et en hydrocarbures. Emmanuel Macron, prudent après avoir ravivé les tensions en 2019 en visitant Grande Glorieuse, privilégie cette fois la diplomatie, en appelant à la relance d’une commission mixte avec Madagascar.
Pour l’opposition malgache, l’un des points les plus polémiques reste la nationalité française du président malgache Andry Rajoelina, révélée publiquement en 2023. Cette situation alimente depuis les soupçons de collusion entre le pouvoir malgache et l’Élysée. Pour ces derniers, Rajoelina n’est pas seulement un partenaire, mais un rouage dans un dispositif néocolonial au service des intérêts français.
Pour l’opposition, cette double allégeance soulève une question fondamentale : peut-on défendre la souveraineté de Madagascar tout en étant citoyen du pays qui continue à administrer les îles Éparses, revendiquées par Antananarivo ? Emmanuel Macron, en renforçant son partenariat avec le président malgache Rajoelina, donne l’image d’une France qui parle de coopération, mais agit en coulisses pour préserver son influence, même au prix de la souveraineté malgache.
En effet, malgré les discussions en commission mixte sur la restitution des îles Eparses, aucune avancée concrète n’a encore été enregistrée, la France maintient sa souveraineté sur ces territoires. Cette position risque de rester un point de friction dans les relations franco-malgaches.
Mayotte, un autre sujet épineux au sommet de la COI

Autre sujet sensible abordé au Sommet de la Commission de l’Océan Indien (COI) : l’intégration de Mayotte, département français, dans cette organisation régionale. Les Comores, qui revendiquent toujours l’île, s’y opposent fermement.
Macron jouera la carte du pragmatisme, en proposant une inclusion progressive de Mayotte, via des coopérations sectorielles (notamment en santé). Une stratégie qui risque de ne satisfaire ni les Mahorais, qui souhaitent une reconnaissance pleine, ni les Comores. Mais elle pourrait préserver les équilibres régionaux.
La visite d’Emmanuel Macron dans l ‘océan Indien dépasse le simple cadre diplomatique. Elle s’inscrit dans une stratégie d’ensemble visant à redéfinir le rôle de la France dans cette partie du monde, tout en renforçant des liens historiques parfois complexes avec ses anciens territoires coloniaux.La présence française à Madagascar et dans l’océan Indien s’explique par des enjeux géopolitiques majeurs : routes maritimes, ressources naturelles, et une lutte d’influence face à la Chine et à la Russie. La tournée présidentielle s’inscrit clairement dans une logique de présence renforcée pour contrer ces puissances, sous couvert d’un discours de développement durable et de coopération régionale.
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