Alors qu'un juge fédéral dénonce les conditions « dégoûtantes » du centre de détention de Broadview, les descentes musclées de l'agence ICE (police de l'immigration) terrorisent les quartiers latinos de Chicago. Derrière la promesse de « sécurité », une machine répressive broie des vies et fracture des communautés.

Le 30 octobre, une plainte d’urgence dénonçant les conditions de détention au centre Broadview de l’ICE (Service de l’immigration et des douanes) a été déposée. Les plaignants accusent les autorités de priver les détenus d’un accès à un avocat, à de la nourriture, à de l’eau et à des soins médicaux. A l’issue de l’audience d’urgence qui s’est tenue mardi, le juge Robert Gettleman du tribunal de district américain, Robert Gettleman, a déclaré que les conditions de détention sont « dégoûtantes » et « indignes ». Il a demandé à l’ICE d’y remédier.
L’ICE, le DHS et les CBP poursuivis en justice
Depuis le lancement de l’opération Midway Blitz, les agents de l’ICE (Immigration and Customs Enforcement) redoublent de zèle. Dans les quartiers latino, les descentes se succèdent, semant la peur parmi citoyens et sans-papiers. Les images de familles arrachées à leur domicile rappellent que la logique de contrôle migratoire ne connaît plus de limites. Officiellement, l’ICE « applique la loi ».
Mais le 30 octobre, une plainte d’urgence a été déposée au tribunal de district des Etats-Unis pour le district nord de l’Illinois (division est). Ce recours collectif dénonce les conditions inhumaines dans lesquelles vivent les personnes détenues au centre de détention de Broadview. Elles n’ont pas accès à de la nourriture saine, à de l’eau et à des soins médicaux. Les plaignants accusent l’ICE, le département de la Sécurité intérieure (DHS) ainsi que les services des douanes et de la protection des frontières (CBP) d’être les principaux responsables.
Mardi, une audience d’urgence s’est tenue au tribunal de Chicago. Des détenus ont décrit leurs conditions de détention au cours de leurs témoignages. Certains ont déclaré qu’environ 150 sont entassées dans une cellule et elles dorment à même le sol.
Les douches sont hors service et les détenus n’ont pas accès à des produits d’hygiène comme le savon, le dentifrice et la brosse à dents. Les toilettes débordent et soit, elles sont séparées « par une cloison partielle qui ne permet pratiquement aucune intimité »
Claudia Carolina Pereira Guevara, un détenu ayant témoigné au cours de l’audience a révélé qu’elle a été obligée de signer les papiers d’expulsion et qu’elle n’a même pas eu droit à l’assistance d’un avocat. Pourtant, les documents ont été rédigés en anglais, une langue qu’elle ne comprend pas. Notons que Péreira est tombée malade après avoir dormi sur le sol de sa cellule insalubre. On lui a refusé l’hospitalisation. La signature des papiers d’expulsion était la condition de sa sortie du centre de détention. Péreira a été expulsée au Honduras, sans ses enfants.
Cette semaine, un juge fédéral, Robert Gettleman, a ordonné à ce centre de détention près de Chicago de fournir aux détenus des conditions humaines minimales : eau, nourriture, hygiène, literie.
Ce dernier n'a pas mâché ses mots, il a qualifié les conditions au centre de l'ICE à Broadview de « dégoûtantes » et « cruelles ». Il a aussi dénoncé le cas de Pereira Guevara, qui a signé des "documents de déportation" sous la pression, sans avocat ni compréhension de l'anglais.

Quand la “sécurité” justifie l’inhumain
La défense du ministère de la Justice a été révélatrice : le centre de Broadview serait « temporaire », donc exempt d’exigences humaines. Un argument aussitôt rejeté par le juge, qui a constaté que la structure « n’est plus une installation de passage, mais une prison ».
Le pouvoir fédéral semble avoir oublié que la Constitution protège toute personne, même en situation irrégulière.
Le juge Gettleman a rendu son ordonnance mercredi. Il enjoint l’ICE de conformer à de nombreuses demandes des plaignants. Ces derniers ont exigé que les détenus accèdent à un espace suffisant, à des vêtements propres, à une literie adéquate, à trois repas sains par jour, à des produits d’hygiène de base, et au service d’un avocat dans les trois heures qui suivent leur arrivée au centre de détention.
En revanche, la demande de fermeture de Broadview si les conditions ne sont pas remplies dans un délai de trois jours n’a pas été validée par le juge. Le juge Gettleman a déclaré que l’ordonnance « respecte le pouvoir discrétionnaire de gérer une institution de ce type et de la rendre aussi fonctionnelle que possible » et qu’il ne s’attendait pas à ce que les changements soient faits du « jour au lendemain ». Quoi qu’il soit, cette décision du juge représente une première victoire pour les détenus de Broadway. Il reste à voir si l’ICE, le DHS et le CBP vont s’y conformer.
L’ICE, loin d’assumer ses excès, s’abrite derrière un discours moraliste : « Nous finançons le retour volontaire des migrants, avec un billet et une prime de 1 000 dollars. » Derrière cette façade humanitaire se cache une mécanique bureaucratique d’expulsion de masse, où la peur devient un instrument politique.
L'économie locale en chute libre
Sous la bannière de la loi, l'administration Trump a transformé l'ICE en une milice redoutable, un corps de « cowboys anti-immigration » qui, loin de se contenter de traquer les illégaux, terrorise des communautés entières.
À Chicago, l'ICE mène des raids ciblant les communautés immigrées. Des agents masqués fouillent des jardins, interrogent des passants, et embarquent des personnes.
Ces raids paralysent l'économie des quartiers latinos. À Little Village, surnommé le « Mexique du Midwest », les rues se vident. Les commerces, comme les boutiques de robes de quinceañera, enregistrent jusqu'à 40 % de baisse de chiffre d'affaires.
Les chantiers s'arrêtent, les restaurants licencient. Un entrepreneur anonyme confie : « Personne ne vient travailler. Ils ont peur ». Le maire démocrate Brandon Johnson alerte : « Trump sape la puissance économique de Chicago ».
