Grands corps de l’Etat : Macron s’attaque au gouvernement profond

Grands corps de l’Etat : Macron s’attaque au gouvernement profond

Selon le site Acteurs Publics, Emmanuel Macron a décidé de « fermer » les corps d’inspection recrutés à la sortie de l’ENA (inspection générale des finances, inspection générale de l’administration et inspection générale des affaires sociales). Cette décision en apparence technique est en réalité essentielle, car ces corps forment le « réacteur nucléaire » du gouvernement profond qui structure la haute administration. Seul le Conseil d’Etat échappe pour l’instant à un remaniement en profondeur.

Le gouvernement profond a du souci à se faire, et on peut d’ailleurs se demander pour quelle raison obscure, à un an de la fin du quinquennat, Emmanuel Macron décide de s’y attaquer aussi frontalement. Selon le site Acteurs Publics, le Président aurait en effet décider de « fermer » les corps d’inspection recrutés à la sortie de l’ENA, et de bouleverser, comme il l’avait annoncé, leur mode de recrutement.

Le gouvernement profond face à la « fonctionnalisation »

Dans la pratique, Emmanuel Macron s’est donc rallié à l’une des propositions du rapport Thiriez, qu’il avait commandé. Cette proposition est celle de la « fonctionnalisation » des grands corps d’inspection, autrement celle d’un passage dans un corps d’inspection en cours de carrière, pour une durée déterminée.

Le système aristocratique à la française, avec une admission à l’inspection générale des finances à 24 ans, qui vaut sauf-conduit durant toute une vie professionnelle, serait donc remis en cause en profondeur. Dans la pratique, ces corps, qui constituent le coeur du gouvernement profond avec des carrières météoritiques (comme celle d’Emmanuel Macron) coupées de la « troupe » verraient leur recrutement (et leur rôle) profondément bouleverser par l’obligation de recruter les fonctionnaires qui se sont le mieux distingués sur le « terrain » et non ceux issus des meilleures écoles.

Résistance farouche de la caste

Cette réforme devrait susciter un véritable tir de barrage de la part de la caste qui tient l’appareil d’Etat grâce à ce système depuis de nombreuses années. Le rapport Thiriez insistait déjà sur son opposition à cette idée :

Consultés sur un tel scénario, les corps d’inspection ont unanimement formulé leur opposition, estimant que la « fonctionnalisation » des emplois compromettrait l’indépendance de jugement de leurs membres, laquelle conditionne l’objectivité des rapports d’inspection et la pertinence des propositions de réforme qu’elles sont conduites à faire à leurs ministres de tutelle. Les inspections ont également insisté sur l’impact négatif d’une telle réforme s’agissant de l’acquisition des compétences professionnelles requises pour exercer ce métier.

On voit que la galerie des arguments de circonstance pour affirmer une opposition frontale n’a pas tardé. Reste à savoir quelle est aujourd’hui la capacité de ces corps à faire barrage à la réforme voulue par le Président. À n’en pas douter, celle-ci doit contrarier certains proches du Président qui ont beaucoup oeuvré à sa victoire, comme Jean-Pierre Jouyet, dont le rôle de « parrain » de l’inspection générale des finances a fait de lui l’un des acteurs les plus puissants de la caste.

La question de l’indépendance sera traitée

L’argument de l’indépendance des inspections par rapport aux ministres est au coeur du débat. Elle illustre bien le poids critique qu’a pris l’appareil d’Etat face au politique. Les hauts fonctionnaires revendiquent une autonomie d’action par rapport aux élus.

Le paradoxe tient évidemment au fait que plus aucune carrière dans l’administration ne se déroule sans un passage très politique en cabinet ministériel.

Pour donner le change, le direction de la fonction publique planche sur un système qui apporterait des garanties de carrière aux fonctionnaires détachés dans des corps d’inspection. L’instauration de rapports anonymes est même évoquée.

La mise en application complète de cette réforme par le Président constituera un test majeur, même s’il sera peu apparent. Un Président peut-il réformer aussi brutalement sa haute administration sans glisser sur de dangereuses peaux de banane à un an de sa réélection ?