Damien Rieu, le Grand Remplacement et le Courrier des Stratèges

Damien Rieu, le Grand Remplacement et le Courrier des Stratèges

L'occasion m'a été donnée d'interviewer Damien Rieu, figure du mouvement identitaire rallié à Eric Zemmour. Je n'ai pas laissé passer cette occasion, tant le Courrier a été l'objet de reproches (très souvent contradictoires) sur ses positions quant à l'immigration. Je ne pouvais laisser passer cette opportunité à la fois de laisser la parole à une voix influente, mais discordante avec celle du Courrier, et de préciser notre position sur un sujet sensible. Voici une belle occasion de replacer la position du Courrier en matière d'immigration dans son contexte...

Texte mis à jour le 19 novembre à 12h.

Le sujet de l’immigration est probablement l’un des sujets les plus délicats que le Courrier des Stratèges puisse aborder… puisque nous n’en discutons jamais en interne, et je suis bien incapable de dire ce qu’un Edouard Husson ou un Richard Krieger en pensent  pour leur part. Je m’autorise donc, en réaction aux propos de Damien Rieu, quelques considérations personnelles qui n’engagent que moi et certainement pas la rédaction.

Vous ne serez donc pas surpris si mes propos appellent, à l’occasion, des positions divergentes du Courrier : je crois que, sur ce sujet, nous revendiquons une liberté de penser et d’éventuelles divergences (fortes), d’abord parce que nous ne considérons pas que cette question soit centrale, de manière obsessive, dans l’affirmation de notre identité. Et je ne crois pas trahir l’opinion d’un Damien Rieu en affirmant qu’il s’agit d’un point d’achoppement majeur entre nous.

Réaffirmer la laïcité, un point essentiel

Premier point : la laïcité constitue un point d’ancrage clair et évident pour tous ceux qui ont besoin, comme disait Descartes, d’une morale par provision. Faute de savoir durablement quoi faire, la France doit s’en tenir à ses valeurs fondamentales : interdire le voile dans l’espace public, et soutenir une position sans équivoque sur l’incompatibilité entre l’orthopraxie musulmane (et israélite… au passage) et la neutralité de l’Etat.

Le porc doit, sans ambiguïté, continuer à être servi dans les cantines du service public, et le voile, qui est un signe religieux ostentatoire, n’y a pas sa place. Ce rappel à la règle doit se faire sans haine, sans passion, mais de façon ferme.

À titre personnel, j’ai toujours trouvé logique que la règle napoléonienne du prénom chrétien s’applique, idée émise (ou reprise) par Eric Zemmour dans les conditions polémiques qu’on connaît.

Défendre l’identité française ? oui, bien sûr

Incidemment, je répète ma conviction sur les bienfaits d’un nouvel édit de Nantes qui préciserait de façon claire et carrée les droits et devoirs des Musulmans en France, comme Henri IV l’avait fait pour les Protestants. Je n’ai aucun problème avec la préservation de l’identité française, face à l’arrivée d’une forte communauté musulmane (forte… et organisée par des puissances étrangères !).

Il ne me semble pas seulement naturel, il me semble vital et indispensable que ce qui fait la fierté du peuple français, c’est-à-dire l’affirmation de ses valeurs séculaires, soit préservé, réaffirmé, au besoin rajeuni, dans un monde en pleine bascule. Donc, défendons sans ambages notre aversion pour la théocratie et pour la confusion des genres. Rappelons la neutralité de l’Etat et de l’intérêt général.

Tout cela ne pose aucun problème.

Le Grand Remplacement et le mondialisme

Allons même plus loin ! Je n’ai aucune difficulté à dire que les vagues migratoires sont totalement orchestrées par une caste mondialisée, conduite par des financeurs mal intentionnés comme George Soros, pour qui la dilution de notre identité historique est un enjeu existentiel majeur. Ceux-là financent tous azimuts des bateaux de migrants, les mouvements intersectionnels gauchistes, des ONG, des journalistes qui nous dézinguent.

Sur le fond, je n’ai aucun problème à affirmer que l’idéologie du Grand Remplacement existe, qu’elle vise à nous éteindre, et qu’elle est à l’oeuvre pour nous diluer ! Et, dans cette dilution, tout le monde y va de sa partition : les journaux du cartel de la presse subventionnée nous bourrent le crâne, et des décideurs publics comme Anne Hidalgo ou Emmanuel Macron nous prennent pour des abrutis.

Sur tous ces points, nous sommes d’accord !

Diaboliser les immigrés, est-ce bien raisonnable ?

Sur les constats « téléologiques » (comme disent les intellectuels), au fond, je ne diverge guère de Damien Rieu. Ce qui me gêne, c’est le climat passionnel (et quelles passions !) dans lequel se déploient ses idées et, plus généralement, les propositions d’Eric Zemmour. Sommes-nous obligés de détester la planète entière pour nous sentir Français ? Et sommes-nous obligés de menacer, d’inquiéter, de traquer, des milliers voire des millions de pauvres hères, sous prétexte qu’ils sont immigrés, pour affirmer notre identité nationale ?

On peut évidemment poser comme postulat que des légions d’immigrés sont venues en France pour nous noyauter et nous supplanter. Ma conviction est largement différente. Je suis convaincu (et je le vois dans mon quartier) qu’une fraction de l’immigration musulmane en « veut à la France ». Mais, majoritairement, la plupart des immigrés musulmans ne rentreraient sous aucun prétexte dans leur pays, et ne voudraient sous aucun prétexte que les principes de malgouvernance (la corruption démesurée, le communautarisme, le clanisme) en vigueur en Algérie, en Tunisie, au Maroc, n’entrent en vigueur en France, surtout lorsqu’il s’agit de piloter les hôpitaux ou le fisc.

J’irai même plus loin : je suis absolument sûr que la majorité de la jeune génération n’a pas le début de l’ombre d’une idée sur ce sujet, et qu’elle préfère mille fois l’ordre français au désordre du bled, même si, parfois, elle prétend le contraire. La plupart d’entre eux laissent faire, font confiance, et n’aspirent qu’à une chose : qu’on les laisse en paix.

Je le redis : bien entendu, il y a des factions financées par le Maroc, par la Turquie, par l’Arabie Saoudite, qui proposent des projets incompatibles avec nos valeurs. Mais, majoritairement, le Musulman né en France est comme n’importe quel Français. Il vit à l’écart de ces idées et propose seulement de vivre en paix en jouissant de la consommation occidentale.

Chasser les immigrés, une solution universelle ?

Quand j’écoute Damien Rieu (mais le même sentiment m’envahissait en écoutant Eric Zemmour), j’ai l’impression que le seul problème de la France contemporaine est celui de l’immigration. Donc, foin du problème, pourtant suffocant, de la bureaucratie, de l’étatisme, des attaques permanentes de la caste contre les libertés publiques.

Ma conviction est que la « taule » que Zemmour s’est prise aux présidentielles tient d’abord, et probablement avant tout, à son incapacité à comprendre que les atteintes aux libertés publiques sont devenues, en 2021, beaucoup plus gênantes pour les Français que le poids de la minorité musulmane.

Sur ce point, Zemmour et ses sectateurs n’ont pas voulu voir que les libertés françaises étaient plus menacées par la caste au pouvoir et par le vaccin mondialisé, que par l’Islam financé par la Turquie, le Maroc, le Qatar ou l’Arabie Saoudite. Zemmour (mais peut-être était-il financé ou soutenu par des gens qui lui enjoignaient de penser cela) nous a, jusqu’au bout, expliqué que le passe vaccinal était un problème secondaire face à l’immigration. Nous sommes pourtant nombreux à avoir vu des immigrés accepter d’endurer les suspensions et les humiliations pour défendre leurs libertés, quand de trop nombreux Français de souche faisaient défaut dans ce combat.

Et quoi ? un Damien Rieu (ou autre frère de combat, l’enjeu n’est pas l’homme Damien Rieu lui-même) vacciné plusieurs fois conformément aux ordres de la Macronie, serait-il plus Français qu’une aide-soignante d’origine tunisienne ou algérienne qui a résisté au péril de son salaire ?

Beaucoup de zemmouristes diront « oui ». Sur ce sujet, qu’il nous soit permis d’avoir plus qu’un doute. À mes yeux, une aide-soignante maghrébine à 1.400€ par mois avec deux enfants qui a encouru la suspension pour échapper au vaccin mondialisé est au moins (voire plus) française que la petite bourgeoise de Vendée ou d’ailleurs qui a reçu les injections sans réfléchir (parfois en vomissant sa haine contre les non-vaccinés), et qui s’est ensuite précipitée pour voter Zemmour.

La religion n’est pas qu’affaire de foi, elle est aussi affaire d’acte. Et un zemmouriste triplement vacciné et adepte aveugle de l’idéologie covidienne dans ce qu’elle a eu (et a encore) de plus extrême restera toujours, à mes yeux, moins fondamentalement français, moins rebelle, moins digne, qu’un Arabe qui a fait oeuvre de liberté et a mis sa vie personnelle en risque pour défendre une certaine idée de la démocratie. L’un croit, l’autre agit.

Être français, ce n’est pas seulement palabrer dans des réunions où l’on se fait plaisir avant de rentrer chez soi pour jouer aux héros devant son poste de télévision. C’est aussi prendre des risques pour assumer son identité. Et je tiens pour plus respectables, pour plus Français, les Arabes qui ont silencieusement accepté la misère, la répression et la suspension pour affirmer leur droit au consentement libre et éclairé, que les bien-pensants zemmouristes qui ont inondé leur pantalon dès que Macron a haussé le ton.

Je suis désolé de cette formulation sans ambages, mais elle exprime indécrottablement le fond de ma pensée.

J’ajoute que je ne tiens pas en plus haute estime (et j’en connais) les zemmouristes qui ont refusé le vaccin à titre personnel mais n’ont pas voulu l’afficher publiquement par peur des représailles ou de la qualification de « populiste ». Il y a, dans le zemmourisme (ou en tout cas dans certaines fractions de celui-ci), une tartufferie qui me gêne et ne m’inspire pas de tendresse.

Flatter une certaine paresse française ?

Bien évidemment, il est facile, quand on n’a jamais créé la moindre entreprise, d’expliquer que les Français de souche sont par nature de braves gens victimes de l’immigration.

Les employeurs de ce pays ont, à mon avis très majoritairement, un point de vue un peu différent : ils ont vu des Français de souche solliciter sincèrement un travail, mais d’autres Français de souche venir leur casser les pieds avec un poil dans la main. Ils ont tous vu les immigrés procéder de la même façon. Il y a des Arabes et des Africains noirs fainéants, dans les mêmes proportions que les Français de souche. Et il y a des Arabes et des Africains noirs courageux, dans les mêmes proportions que les Français de souche.

Il est évidemment facile de flatter les bas instincts en expliquant qu’un Noir ou un Arabe est un fainéant et un profiteur, alors qu’un Blanc est l’inverse. La réalité n’est pas celle-là. La réalité est qu’il y a autant de gens courageux, autant de gens fainéants, chez les Blancs, chez les Noirs et chez les Arabes. Si ce principe était faux, les employeurs ne recruteraient que des Blancs, et éviteraient les Noirs et les Arabes. Il suffit de regarder la couleur des peaux des serveurs dans les restaurants pour comprendre que la vraie vie ne correspond pas aux stéréotypes mensongers courants dans une certaine droite zemmouriste.

Mais à qui profite l’islamophobie ?

La question qui se pose ici est de savoir qui a intérêt à antagoniser à outrance les relations ethniques dans ce pays ?

Il ne s’agit pas ici, rappelons-le, de poser les principes de l’identité française : je n’ai aucun problème à poser des règles strictes pour « normaliser » nos relations sociales. Ce qui me gêne, c’est la tentation de transformer un débat rationnel sain, respectueux, en une empoignade ethnique passionnelle. Qui, aujourd’hui, a intérêt à créer de toute pièce une guerre entre Musulmans et Chrétiens ? Qui a intérêt à faire croire que l’ennemi de la France, c’est l’Islam, alors que, dans sa sagesse, le général de Gaulle a toujours préservé une politique arabe ?