Il fut un temps où traverser l'Atlantique exigeait un passeport, un billet d'avion et, peut-être, une dose de patience à la douane de JFK. Ce temps est révolu. En cette fin d'année 2025, l'Amérique de Donald Trump ne demande plus seulement de voir vos papiers ; elle exige de voir votre âme numérique. La transformation du rapport de force entre l'État américain et le visiteur étranger vient de franchir un Rubicon que beaucoup croyaient infranchissable dans une démocratie libérale. Mais sommes-nous encore face à une démocratie libérale?


Le grand déshabillage numérique
L'information est tombée avec la brutalité d'un décret impérial : le Service des douanes et de la protection des frontières (CBP) a décidé de transformer l'ESTA — ce sésame administratif autrefois anodin — en un outil d'inquisition massive. Désormais, pour nous Français, Allemands ou Britanniques, le privilège de visiter les États-Unis aura un coût exorbitant : notre vie privée.

Lorsque l'État exige de lire dix ans de vos courriels pour vous laisser voir le Grand Canyon, il abolit votre sphère privée. Lorsqu'il menace de déportation des étudiants pour des slogans politiques ou qu'il conditionne l'entrée sur le territoire à la conformité idéologique, il installe une terreur sourde, celle de l'auto-censure.
Je m'abonne maintenantIl ne s'agit plus de simples formalités. L'administration exige désormais les identifiants de tous vos réseaux sociaux sur les cinq dernières années. Pire encore : l'historique de vos courriels sur une décennie entière. Imaginez un instant la scène. Ce n'est pas le douanier qui vous fouille, c'est un algorithme qui remonte le fil de vos dix dernières années de correspondances, d'échanges, de moments d'intimité ou de colère. Comme le souligne sarcastiquement la Foundation for Individual Rights and Expression, le message est clair : « L'engagement américain envers la liberté d'expression est une façade, pas une pratique ».

Cette exigence de « Données de Haute Valeur » inclut également une collecte biométrique élargie (ADN, iris) et une cartographie de vos cercles sociaux via vos numéros de téléphone. L'objectif affiché par l'Ordre Exécutif 14161 du Président est de traquer les « attitudes hostiles ». Notez le glissement sémantique : on ne cherche plus des terroristes, on cherche des mal-pensants.
La purge des « censeurs » : une inversion orwellienne
Si la surveillance de masse des touristes est le bouclier, l'attaque contre les professionnels de l'information est le glaive. Dans une manœuvre d'une ironie mordante, l'administration Trump a décidé d'interdire de visa ceux qu'elle qualifie de « censeurs ».

